Pour abus de majorité, l’action en nullité peut être dirigée seulement contre la société

En cas d’abus de majorité, les associés minoritaires peuvent agir en justice à l’encontre de la seule société sans mettre en cause les majoritaires, pour autant qu’ils demandent seulement la nullité des délibérations et non des dommages-intérêts.

 

Les associés minoritaires d’une société demandent en justice l’annulation de décisions prises en assemblée générale pour abus de majorité, en dirigeant leur action à l’encontre de la seule société. Une cour d’appel juge leur action irrecevable pour ne pas avoir mis en cause aussi les associés majoritaires.

La Cour de cassation censure cette décision : la recevabilité d’une action en nullité d’une délibération sociale pour abus de majorité n’est pas subordonnée à la mise en cause des associés majoritaires en l’absence d’une demande de réparation à l’encontre de ces derniers. En l’espèce, les minoritaires se bornaient à demander l’annulation des délibérations litigieuses, de sorte qu’ils n’avaient pas à diriger leur action contre les majoritaires.

À noter

On le sait, il y a abus de majorité lorsqu’une décision collective adoptée par le ou les associés majoritaires est contraire à l’intérêt social et a été prise dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des autres associés (jurisprudence constante). Ces derniers peuvent alors demander une indemnisation pour le préjudice subi et/ou l’annulation de la délibération.

C’est la première fois que la Haute Juridiction juge que, s’ils ne demandent que l’annulation de la décision, les associés minoritaires peuvent diriger leur action contre la seule société, sans mettre en cause les majoritaires. Dans une autre affaire, la cour d’appel de Versailles avait au contraire jugé que l’action en nullité dirigée contre la seule société était irrecevable, en considérant que le reproche d’abus de majorité nécessitait la présence des associés auteurs de l’abus allégué (CA Versailles 1-2-2001 n° 00-2591).

Au cas présent, les juges du fond avaient retenu la même solution, en considérant qu’une action en nullité pour abus de majorité tend à remettre en cause la validité du vote du majoritaire par des griefs sur ses motivations personnelles, contre lesquels ce dernier est seul en mesure de se défendre. Les associés demandeurs faisaient au contraire valoir que la société est en mesure de défendre à l’action tendant à voir reconnaître qu’une résolution d’assemblée générale est contraire à l’intérêt social et prise dans l’unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires. La Haute Juridiction leur donne raison. La nullité pour abus de majorité tend en effet, par nature, à protéger l’intérêt social en plus de celui des minoritaires. Il a d’ailleurs été jugé que le représentant légal de la société a qualité pour agir contre les majoritaires en nullité de la délibération (Cass. 3e civ. 11-7-2024 no 23-10.013).

A l’inverse, lorsque les associés minoritaires demandent des dommages-intérêts en réparation de l’abus de majorité, leur action doit être dirigée, non pas contre la société, mais contre les associés majoritaires car seuls ces derniers ont commis la faute qui ouvre droit à réparation (Cass. com. 6-6-1990 ; CA Rouen 19-5-2022 n° 20/03002).

Il résulte de ces décisions que l’associé minoritaire qui demande non seulement des dommages-intérêts mais aussi l’annulation de la décision doit mettre en cause à la fois la société et les associés auteurs du vote abusif.

Cass. com. 9-7-2025 n° 23-23.484

© Lefebvre Dalloz